Alexandra GUY
Peintre
« Alexandra...
Infiniment créatrice, d’instinct, par le vivant de son trait, la mise en espace des formes, l’intuition kaléidoscopique des couleurs, Alexandra ne crée cependant jamais avec la tête et toujours avec le cœur, pour paraphraser une heureuse formule de Flaubert.
Rescapée d’une adolescence meurtrie mais en quête perpétuelle de tendresse, elle témoigne dans son œuvre d’une étonnante force fragile que traverse une fêlure, entre l’espoir et la tentation fugitive d’une désespérance. Une espèce de bal des maudits revisité par la joie.
Le mouvement y cherche son rythme, le relief sa résonance et sa profondeur ; les plages colorées quelque chose de paradoxal évoquant la commedia dell’arte.
C’est un toucher à vif, à l’image de la passion qui l’anime et pour laquelle, un jour, elle a mis la clef sous la porte d’une activité respectable de juriste afin de retrouver les odeurs enivrantes de térébinthe, de métal, de papier, de toile et de fusain d’un atelier à la lisière d’une ville nommée désir.
Une artiste inclassable qui nous surprend et nous interroge…»
Max Poty
Alexandra Guy est née au soleil de Nice, en 1974. Elle a hérité d’une sensibilité riche et complexe, de par sa double culture franco-suisse. Dès l’âge de sept ans, elle s’exprime par le dessin, un de ses dessins figure dans un livre pour enfants. Une jeune vocation qui n’est pas sans entraîner des remous dans son univers familial.
Elle doit s’assumer seule très tôt, et poursuit des études de droit tout en travaillant, elle devient juriste. Elle continue d’explorer et de pratiquer l’art en cours du soir.
Après un voyage à Madagascar, et surtout en 2013, en Toscane, où elle remplit de dessins son carnet de voyage, elle décide de se consacrer entièrement à son art et s’installe comme artiste-peintre.
Elle réalise plusieurs expositions, dont un deuxième prix du jury en 2017 à la galerie Thuillier à Paris.
Son œuvre conjugue la pudeur du mystère des êtres et leur mouvement expressif. Ainsi, dans sa peinture Pesanteur, les corps sont striés par les rayures qui délimitent l’espace du réel. Est-ce que cela veut dire que les êtres sont bridés, clivés, empêchés dans leur mouvement, enfermés dans la prison du réel ? Est-ce une vision désespérée dans laquelle des morceaux de conscience sont coupés et ne peuvent se relier ? Une vision schizophrénique d’un miroir éclaté en mille morceaux, des éclats dispersés de soi-même ?
Non, car il y a le mouvement. Dans Futur, les êtres se déplacent entre, à travers et grâce aux rayures qui sont tels des baobabs servant d’échelles, de marchepieds, de ponts. Et même, dans Un air de liberté, ils flottent en apesanteur liquide et glissent entre les pans de réalité. Dans Recul, l’être se projette dans le mur et s’infiltre entre deux pans de mur. Dreams est un rêve coloré sans frontières de part et d’autre du rêve. Le rêve et les corps sont entrelacés. Se relever est une description du mouvement de rebond permanent et ludique sur les branches du réel.
Le mouvement est circulation, fluidité, transmutation des formes. Au fond, le message de l’art d’Alexandra est une vitalité joyeuse : quand les morceaux de nous-même sont reconnus comme tels, ils se relient mutuellement dans un ensemble mouvant, plastique, en formation/ déformation incessante.
Et ce mouvement déborde de la toile et du papier. Sans crier gare, il est là, dans l’espace de la galerie, dans l’appartement de l’amateur d’art, dans son salon, et même il est entré dans son esprit. Le mouvement traverse tous les écrans de réalité. La réalité est elle-même mouvement.
Une jonglerie ludique permanente.
L’art d’Alexandra est spécifique, une création de son être. Si nous voulons trouver des points de comparaison, il y aurait une parenté avec le « corps sans organes » du philosophe Gilles Deleuze, c’est-à-dire des formes en devenir incessant, sans aucune forme constituée, figée. Il serait possible au spectateur des tableaux d’Alexandra de jouir du même effet tonique éprouvé par le lecteur des œuvres de Deleuze dont le style de pensée exprime ce devenir, une pensée en rhizome.
Tan Nguyen